À travers ce numéro, nous proposons d’examiner cinq types de processus de légitimation. Il y a la légitimation, et par le fait même la canonisation, d’œuvres par des relations d’intertextualité complexes; car faire circuler une œuvre revient dans une large mesure à l’inscrire dans la mémoire collective. On peut également vouloir légitimer une pratique ou une forme artistique émergente, à grands renforts de rhétorique auprès d’instances de légitimation : cela fut le cas notamment du cinéma comme « théâtre filmé », et un siècle plus tard du jeu vidéo comme « cinéma interactif ». Un troisième processus de légitimation découle peut-être davantage de la révolution numérique : le déclin de la culture « légitime », résolument en perte de vitesse devant la prolifération de sous-cultures à la fois plus segmentées mais hyper-accessibles. Il y a place à un quatrième processus de légitimation ancré dans la popularisation de figures textuelles ou de mécanismes formels jusqu’alors réservés à des productions marginales. Le rapport de forces entre l’Institution et les multiples instances populaires s’en trouve renversé, et la hiérarchie culturelle, dissoute. Le cinquième processus de légitimation en est un qui s’effectue malgré lui : réunir des artéfacts culturels en un même lieu, même si ceux-ci ne présentent aucune cohérence stylistique, tend vers une compréhension « officielle » et englobante de ces artéfacts.